L’époque vénitienne
En 1204, la Crète passe sous le contrôle des Vénitiens. Les Vénitiens achètent les droits de propriété de l’île à Boniface de Montferrat immédiatement après la chute de Constantinople en 1204. Après une brève période de transition (1204-1211) au cours de laquelle les Génois tentent de l’usurper, les Vénitiens consolidèrent leur domination sur l’île, l’appelant Regno di Candia (Royaume de Crète) et l’ organisent comme une colonie selon les modèles féodaux occidentaux.
En 1204, dans la baie d’Elounda, une bataille navale a eu lieu entre les Génois et les Vénitiens, dans laquelle ces derniers sont victorieux. Selon les sources vénitiennes, la zone de la bataille navale est mentionnée sous divers noms: stin alonde, stin elonda, stinalonge, Stinalonda, Stinalonde. Il s’agit d’une corruption de l’expression grecque «εις την Ελούντα» (is tin Elounda = à Elounda), qui indique que l’ancien nom de lieu était encore préservé. À partir de ces formes corrompues, les Vénitiens inventent l’appellation de Spinalonga pour désigner à la fois le port et l’îlot rocheux à son entrée. Dans les premiers documents vénitiens, on fait toujours référence aux marais salants de la baie d’Elounda (salinis de Stinalonde), ce qui témoigne de leur existence dès l’époque byzantine. Cependant, ces marais salants ont été améliorés après la conquête de Chypre en 1571 ; par conséquent les Vénitiens perdent les marais salants qui s’y trouvaient.
La menace toujours croissante des Ottomans et les changements radicaux apportés par la diffusion de la poudre à canon dans la technique de guerre et, par conséquent, dans l’architecture des fortifications, conduisent les Vénitiens à améliorer leurs installations défensives existantes en Crète et à construire de nouvelles fortifications, selon le système de fortification bastionnée. Ainsi, des projets à grande échelle sont réalisés dans les villes de Candie (aujourd’hui Héraklion), à La Canée, à Réthymnon, ainsi que dans les ports de Souda, Palekastro Fraskies, Agioi Theodoroi Chania, Spinalonga et Gramvoussa. Avec ces projets, la Crète apparaît comme l’une des zones insulaires les mieux fortifiées de la Méditerranée.
Dans le cadre de ces travaux, en 1571, le Sénat vénitien décide de fortifier Spinalonga. La construction de la forteresse sur l’îlot vise à protéger le port d’un éventuel débarquement des forces ennemies et à protéger la zone des raids de pirates. En outre, les souvenirs du pillage effectué par le légendaire pirate Hayreddin Barberousse dans les années 1537-1538 dans les zones côtières de l’Est de la Crète persistent toujours.
Depuis la fin du XVIe siècle, le rôle du port de Spinaloga est valorisé, car il acquiert un rôle militaire et il devient pour les Vénitiens le deuxième port naturel le plus important de Crète, après Souda.
Les travaux de fortification commencent en 1579 et passent par différentes phases de construction. La forteresse domine le cours de l’histoire locale. Les raids de pirates sont considérablement réduits et la côte de la baie de Mirabello est suffisamment protégée.
L’attaque ottomane attendue a lieu en 1645 et c’est ainsi que commence la guerre de Crète. Les forces Ottomanes parviennent à dominer en peu de temps toute la Crète. En 1648 commence le siège de Candie, qui va durer 21 ans. La ville capitula en 1669 avec la signature d’un traité selon lequel les Vénitiens, bien que vaincus, réussirent à maintenir en leur possession trois importantes bases navales sur les îlots fortifiés de Gramvoussa, Souda et Spinalonga, espérant ainsi reconquérir la Crète.
La forteresse de Spinalonga reste donc la seule possession vénitienne dans l’Est de Crète. Au cours de cette période, l’îlot donne refuge à des réfugiés et des révolutionnaires (Chaϊnides). L’installation de ces personnes transforme Spinalonga d’une forteresse militaire en une colonie de plusieurs centaines d’habitants.
Les décennies suivantes sont marquées par le conflit entre les Vénitiens et les Ottomans. En juin 1715, les Ottomans commencent le siège de Spinalonga en déployant 6.000 hommes. La petite garnison vénitienne de seulement 160 hommes et les «Chaϊnides» défendent la forteresse. Au cours de la première phase du siège, l’îlot est bloqué par la mer par les forces navales. Le grand nombre d’obus de canon retrouvés lors des recherches sous-marines autour de l’îlot témoigne de la brutalité de la bataille. Après un blocus de trois mois, la forteresse se rend aux Ottomans.